Il serait surprenant de rencontrer un scientifique dont les travaux n’ont pas été rejetés par une revue académique à un moment ou à un autre de sa carrière. Certains des scientifiques les plus célèbres, comme Albert Einstein et Charles Darwin, ont été honorés et récompensés pour des travaux initialement rejetés. Dans une interview accordée en 2013 au Guardian, Peter Higgs a raconté que sa première tentative de publier ses découvertes sur la particule qu’il avait prédite, aujourd’hui connue sous le nom de boson de Higgs, avait été rejetée. Toutefois, après avoir fait appel et ajouté des détails à son article, son travail a été accepté, ce qui lui a permis de partager le prix Nobel avec François Englert pour son concept.
L’histoire de Higgs a connu une fin heureuse, mais la plupart des appels échouent. Il est donc important de bien peser les choses avant de faire appel au comité de rédaction d’une revue. Les auteurs doivent s’assurer que leur recherche universitaire est solidement étayée ou prendre en compte des questions plus vastes telles que les préjugés systémiques ou la discrimination. Par exemple, dans certains cas, les évaluateurs peuvent avoir des préjugés à l’égard des auteurs de certains pays ou universités, ce qui peut être une manifestation de préjugés systémiques. Bien qu’il puisse y avoir de grands avantages à publier, un appel infructueux peut entraîner une perte de temps et une atteinte à la réputation.
Rédiger un recours efficace
Il existe cinq lignes directrices fondamentales pour rédiger une lettre d’appel efficace :
- Soyez indépendant de vos émotions.
- S’en tenir aux faits.
- Réfuter étape par étape.
- Prenez le temps de réexpliquer les points clés.
- Par-dessus tout, soyez respectueux.
Émotions
Avant de rédiger une lettre d’appel, vous devez laisser vos émotions s’apaiser afin d’éviter une réaction impulsive. Il est conseillé de discuter de la situation avec des collègues ou de faire une courte pause pour se calmer et évaluer la situation objectivement. Les scientifiques ont tendance à être guidés par la logique, mais une lettre de refus peut provoquer de la colère, de la frustration et du ressentiment, surtout si le travail a nécessité beaucoup de temps et d’efforts.
Satisfaire le besoin instinctif de réagir vivement ne fera que rejeter rapidement l’appel et la réputation de l’auteur risque d’en souffrir. Il est donc conseillé d’attendre 24 à 72 heures avant d’envoyer une réponse.
Les faits
Les auteurs doivent s’en tenir aux faits dans leurs lettres d’appel. Les rédacteurs en chef des revues apprécieront une réponse rationnelle et motivée à un refus. Les auteurs doivent tenter d’identifier les raisons spécifiques du rejet et fournir des contre-arguments avec des preuves. Mentionner des similitudes avec des articles antérieurs ou prétendre que des universitaires renommés ont examiné et approuvé le travail ne sont pas des arguments valables, car les éditeurs évaluent chaque article en fonction de sa contribution unique et de sa pertinence pour le lectorat de la revue.
Réfutation étape par étape
L’idée est d’obtenir autant d’informations que possible de la part du rédacteur en chef de la revue sur les raisons pour lesquelles l’article a été rejeté. L’auteur peut alors proposer une réfutation étape par étape, en indiquant quelles nouvelles données peuvent être apportées à l’étude. Les rédacteurs souhaitent voir un plan concret pour améliorer l’article et combler les lacunes. Par exemple, les auteurs peuvent suggérer d’ajouter des analyses de données supplémentaires, de fournir une description plus détaillée de la méthodologie ou de revoir la structure de la discussion pour mieux mettre en évidence les principaux résultats de l’étude.
Points clés
Il arrive que les évaluateurs ne comprennent pas les points clés d’un article de recherche, mais il incombe à l’auteur de rendre ces points aussi clairs que possible pour le lecteur. Les évaluateurs, comme les auteurs, sont des êtres humains qui peuvent commettre des erreurs, se précipiter dans leurs tâches ou être de mauvaise humeur. Il est donc important de réexpliquer les points clés du travail dans la lettre d’appel, surtout s’il y a eu un malentendu.
Soyez respectueux
Personne ne souhaite être insulté ou blâmé, surtout lorsqu’on lui demande de reconsidérer une décision grave. La réputation d’un auteur peut être ruinée par une mauvaise lettre au rédacteur en chef. Il ne faut pas se permettre d’insulter les évaluateurs, de porter de fausses accusations ou de faire des remarques désobligeantes sur d’autres articles publiés dans la revue, ni de proférer des injures. Si un auteur respecte suffisamment la revue pour vouloir y publier son travail, ce respect doit se refléter dans sa lettre.
Quand ne pas faire appel
Le monde de l’édition universitaire évolue rapidement avec l’essor des revues en libre accès. De nouvelles méthodes et possibilités de publication apparaissent constamment. Dans un article publié sur son blog, Stephen Hurd plaide en faveur de l’absence de recours après le rejet d’un article.
Pour qu’un recours soit valable (du point de vue de l’auteur), au moins quatre conditions doivent être remplies simultanément :
- Il doit y avoir une erreur réelle et objective.
- L’erreur doit être substantielle.
- La publication dans une revue particulière doit être significative.
- L’examen du recours doit être aussi rapide que la soumission de l’article à une nouvelle revue.
Le Dr Heard estime qu’au lieu de risquer sa réputation et de perdre du temps avec un recours, l’auteur peut soumettre son article à une autre revue, ce qui peut être moins onéreux et tout aussi fructueux. L’autre revue peut accepter l’article, alors qu’un recours peut donner l’impression qu’il est difficile de travailler avec l’auteur. En outre, les raisons du rejet peuvent être tout à fait valables et nécessiter une révision. Il se peut aussi que le sujet de la recherche ne convienne tout simplement pas à la revue pour le moment – des facteurs subjectifs influencent souvent la prise de décision.
Politique de la revue en matière de lettres d’appel
Si un article est rejeté, il est conseillé de vérifier si la revue dispose d’une politique en matière d’appel. Cela permettra d’établir des lignes directrices spécifiques pour la rédaction d’une lettre d’appel. L’Edorium Journal et le British Medical Journal en sont de bons exemples, car ils fournissent des lignes directrices claires en matière de recours.
Faire appel du rejet d’un document de recherche est similaire à faire appel du rejet de la plupart des autres demandes : si l’auteur est prêt à prendre le temps et à risquer sa réputation, le succès dépendra de la maîtrise des émotions, d’un ton respectueux et d’un engagement à respecter les faits.