La demande de subvention est un processus qui demande beaucoup de travail. Il faut avoir une idée claire et des moyens de la réaliser, calculer un budget approximatif et rédiger une longue description du projet. Il ne suffit pas aux scientifiques d’avoir une idée intéressante : celle-ci doit répondre à des critères tels que la pertinence et la possibilité d’une commercialisation rapide à un coût minimal. De nombreux scientifiques éprouvent des difficultés à justifier les avantages potentiels de leurs recherches pour la société ou l’économie, et manquent de temps pour préparer une demande en raison de leurs engagements actuels en matière de recherche. Il est souvent difficile de présenter les résultats escomptés d’une manière qui réponde aux exigences strictes des programmes de subvention. Hélas, il n’est pas toujours possible de faire entrer la recherche dans un tel cadre. Les jeunes scientifiques doivent renforcer leur position dans la science, ce qui n’est pas possible sans un soutien financier pour leurs idées. Tous ne parviennent pas à sortir du lot et à obtenir une bourse.
Quelle est l’essence de la loterie des bourses ?
La sélection des demandes de subvention est une tâche difficile. Les meilleures et les pires demandes de subvention sont plus faciles à repérer, mais qu’en est-il de la masse de projets qui se situent dans la « moyenne dorée » ? L’approche de sélection standard est inefficace lorsque nous avons affaire à un grand nombre de bonnes idées, car ces projets ne sont souvent pas évalués correctement en raison des ressources limitées et de la subjectivité des évaluations des examinateurs. C’est là qu’intervient la « sélection à l’aveugle » ou la loterie, qui permet d’éliminer les préjugés et de donner des chances égales aux projets qui se situent dans la « moyenne dorée ». Des organisations telles que le Fonds national suisse de la recherche scientifique, le Health Science Council (HSC) en Nouvelle-Zélande et la Fondation allemande Volkswagen participent activement à l’organisation de la loterie. Avec l’aide d’évaluateurs, chaque société présélectionne les candidatures en fonction de ses critères précis, puis procède à une sélection à l’aveugle. Des numéros sont attribués aux candidatures et un ordinateur sélectionne au hasard le gagnant de la loterie.
Comment les participants à la loterie sont-ils sélectionnés ?
Le Health Research Council (HRC) de Nouvelle-Zélande utilise de plus en plus la méthode de la loterie pour octroyer des subventions. La directrice générale du Conseil, Lucy Pomeroy, qui a lancé le programme en 2015, estime que cette méthode de sélection est encourageante pour ceux qui ont de nouvelles idées. Les percées scientifiques sont possibles grâce à des projets originaux, mais pour eux, le processus de sélection classique ne fonctionne pas toujours. Par exemple, grâce au NHS, une bourse de recherche a été attribuée au biologiste David Ackerley de l’Université Victoria de Wellington. Cette bourse, d’un montant total de 96 000 dollars, soit 150 000 dollars néo-zélandais, a permis de mettre au point une méthode novatrice de séparation des cellules tissulaires.
Le Fonds national suisse de la recherche scientifique est le dernier venu dans le programme de loterie. Ce n’est que depuis l’année dernière qu’il octroie des fonds à la recherche. Le Fonds suisse a montré son intérêt pour les jeunes scientifiques entre la fin de leur doctorat et le début de leurs études postdoctorales en finançant des projets de recherche postdoctorale.
En ce qui concerne la distribution de l’argent pour le projet, l’organisation de la fondation peut fixer différentes conditions pour recevoir la subvention. L’une des options est que l’argent est reçu directement par l’équipe de recherche, qui gère les fonds pour la main-d’œuvre, l’équipement, le matériel, les déplacements, etc. Dans un autre cas, l’argent est alloué à la recherche elle-même et les scientifiques sont laissés libres de faire des demandes pour les dépenses nécessaires. Pour les grandes équipes de scientifiques, il est évidemment plus facile de demander le second type de financement, car il est plus efficace.
Rédaction correcte de la demande
Recommandations sur la manière de rédiger une demande
Une description de projet bien rédigée est la première étape de l’obtention d’une subvention. La demande de subvention doit être rédigée et soumise par un scientifique qui est le mieux à même de choisir les mots adéquats pour le public cible.
Différences d’attitudes entre les hommes et les femmes
Une étude a été menée pour comprendre les raisons pour lesquelles les hommes scientifiques réussissent mieux que les femmes dans le domaine de la science. L’une des principales raisons est le style de présentation. Les hommes utilisent des termes plus généraux pour décrire leur travail, ce qui leur permet de s’adresser à un plus grand nombre de parties prenantes. Les femmes, en revanche, ont tendance à entrer davantage dans les détails lorsqu’elles décrivent un projet. En outre, les scientifiques masculins sont plus enclins à chercher à prouver la validité de leurs idées.
La sélection à l’aveugle peut-elle nuire à la science ?
Il y a toujours un risque. Lorsque l’on aide de jeunes scientifiques à développer leurs idées, il vaut la peine d’envisager un suivi par un mentor. Le regard neuf et la motivation sont des avantages, tandis que le manque d’expérience est un inconvénient. Un scientifique en herbe peut avoir peu de contacts pour collaborer, ce qui est particulièrement préjudiciable dans la recherche interdisciplinaire, car une collaboration réussie nécessite un large éventail de collègues issus de différents domaines. Un autre problème possible est l’incapacité à répartir correctement les compétences et les connaissances des membres de l’équipe de recherche, ce qui peut entraîner une duplication des efforts ou un manque de concentration sur les tâches importantes. De même, un jeune scientifique peut ne pas planifier correctement son budget, par exemple en ne tenant pas compte des coûts cachés ou en surestimant le coût de l’équipement, ce qui entraîne un manque de fonds. En général, un scientifique qui n’est pas suffisamment mûr peut mal gérer les fonds reçus et, par conséquent, ne pas atteindre les résultats escomptés de son travail.
Cependant, les scientifiques ne sont pas les seuls à avoir des problèmes. La loterie n’est pas encore un processus de sélection totalement « aveugle », puisqu’il existe une phase de présélection. Il a été observé que des scientifiques n’ont pas la chance d’obtenir une subvention en raison de préjugés sexistes ou nationaux, de la concurrence directe ou indirecte entre les organisations ou de considérations éthiques. Toutefois, le problème de la concurrence peut être contourné en sélectionnant soigneusement les évaluateurs. D’autre part, les évaluateurs peuvent à la fois sous-estimer les projets des concurrents et surestimer le travail des laboratoires amis. Dans ce cas, le préjudice pour la science viendra d’une recherche peu prometteuse si elle est surestimée.
Les analystes du Fonds national suisse de la recherche scientifique ont étudié les cas de surestimation par les évaluateurs. Ils ont constaté que les évaluateurs indépendants ont environ quatre fois plus de chances d’attribuer à une demande de subvention une note « excellente » ou « remarquable » qu’une note « médiocre » ou « bonne » s’ils sont choisis par les demandeurs de subvention. Une telle étude, menée au Fonds national suisse de la recherche scientifique en 2016, a conduit à des mesures de précaution, et le Fonds empêche désormais les demandeurs de subventions de se recommander des juges.
Le 19 mars, des auteurs affiliés au Fonds national suisse de la recherche scientifique ont publié les résultats de cette étude sur la plateforme PeerJ Preprints. Dans leur article, ils invitent les autres bailleurs de fonds à reconsidérer leurs processus de financement. « Je pense que cette pratique devrait être complètement abolie », déclare Anna Severin, coauteur de l’étude et sociologue qui étudie l’évaluation par les pairs à l’université de Berne. D’autres experts s’interrogent toutefois sur la pertinence d’une interdiction totale du choix des évaluateurs.
L’étude a porté sur plus de 38 000 évaluations de près de 13 000 demandes de subventions de fondations, impliquant environ 27 000 évaluateurs de toutes les disciplines entre 2006 et 2016. Cette étude à grande échelle a confirmé le fait que les évaluateurs assignés aux candidats sont plus susceptibles d’attribuer à ces derniers des notes plus élevées que les évaluateurs sélectionnés par la fondation.
Lorsque le critère de sélection est le nombre ou la qualité des articles rédigés par des scientifiques (ou des groupes de recherche), les chercheurs novices sont désavantagés. En conséquence, leur croyance en la réussite peut s’affaiblir et affecter négativement leur travail futur.
Avantages de la loterie pour les scientifiques
Comme nous l’avons déjà mentionné au début de cet article, la recherche fondamentale n’apporte pas immédiatement de résultats visibles, et encore moins de bénéfices. Dans un processus de sélection classique, ces demandes sont « perdues » dans la masse générale, ce qui signifie que le concours risque d’échouer. La randomisation du processus de sélection permet de découvrir des idées nouvelles et originales, et les chercheurs deviennent intéressés et enthousiastes à l’idée de demander des subventions. Par exemple, grâce à ce système, David Ackerley a reçu une subvention pour sa méthode innovante de séparation des cellules tissulaires, ce qui a montré l’utilité pratique de la randomisation et l’importance de soutenir des idées non conventionnelles.
Chaque fondation a ses propres critères pour présélectionner non seulement les projets mais aussi les chercheurs impliqués. Certaines subventions garantissent une certaine somme d’argent directement au scientifique, en le sélectionnant de manière anonyme. Ainsi, en déplaçant le centre d’intérêt du financement du projet vers les chercheurs, il est possible de susciter davantage d’intérêt de la part des scientifiques.
Conclusion
La demande de subventions et de financement de la recherche est un processus complexe dans lequel les meilleurs projets ne sont pas toujours retenus. L’utilisation d’une loterie comme méthode de sélection permet aux jeunes scientifiques et aux projets non conventionnels de faire leurs preuves et d’avoir une chance de réaliser leurs idées. La sélection à l’aveugle a ses inconvénients, mais si elle est correctement organisée et supervisée, elle peut être un outil efficace pour soutenir la communauté scientifique.
Quels types de problèmes avez-vous rencontrés en matière de financement de projets ?